Août

Jeudi 19 août
Un mois déjà depuis mon dernier passage. Que cela file ! Mon été se sera dispersé entre quelques opérations promotion de mes derniers titres, quelques passages à la bibliothèque municipale, la lecture des ouvrages pour l’institut Galien et mes divers séjours (Cassis, Fontès, Paris, Au). Ma thèse n’avance pas comme je le souhaiterais. Je vais d’ailleurs essayer d’éviter de payer des droits universitaires cette année en me faisant suspendre (à voir avec Marc D.).
Je suis enchanté de mon nouveau nid et de sa situation dans Lyon. A taille idéale pour vivre intensément mon célibat, il est au cœur de tout, à proximité de tout ce qu’une grande ville peut offrir.
Pour mes diverses activités, et pour habiller l’appartement, je me suis fait descendre par transporteur cent trois
kilos de mes livres. Samedi prochain Sandre m’emmènera à Ikéa pour que j’achète deux ou trois bibliothèques. Nous nous entendons à merveille comme amis, au point que nous devons partir la première semaine de septembre à Sanary, près de Bandol, dans un studio d’une de ses amies. Son moral étant très détérioré, cela lui fera le plus grand bien.
Ma relation avec Flo du Domaine ne manque pas d’intérêts : tennis, amour charnel et baignades me conviennent parfaitement. Cette amante est gourmande d’enlacements approfondis. Je la revois demain soir.
Pour ma quête d’une activité salariée à mi-temps, afin qu’existe une stabilité financière minimum, je me suis inscrit à l’APEC, section cadres confirmés. Comme gérant salarié j’avais, sans le savoir, cotisé à cette association, ce qui me vaut d’être considéré comme cadre d’expérience.
La Turquie a tremblé en plein cagnard : au moins sept mille morts, trente mille blessés environ. Des constructions ne répondant absolument pas aux normes antisismiques. Toute une branche d’activités qui a préféré moins dépenser au risque de mettre en danger les habitants.


Ne croyons pas être à l’abri dans l’hexagone : Nice présente les mêmes caractéristiques. Nous pourrons apprécier cela sur pièce si l’autre extrémité de la faille donne un signe mortifère.
Mon séjour au château, la semaine dernière, s’est bien déroulé : arrivé le jour de la fameuse éclipse (Laon figurait dans la zone totale) avec ses grappes de curieux grégaires, j’ai profité de mon retour pour voir mon père et Shue (toujours aussi resplendissante...).
Mon père a déjeuné avec Heïm le 10 août, après 17 ans. Très affectives retrouvailles.

Vendredi 20 août
Sueurs froides ce matin, ce qui est un comble pour un mois d’août lyonnais. Le prêt négocié pour la SCI devait être débloqué ce matin par l’Ecureuil aux grosses bourses. Mon interlocuteur privilégié, monsieur P., m’avait assuré lors d’un contact téléphonique que la somme serait disponible en totalité, et non par tranches sur présentation de factures comme le spécifie l’article six du contrat type.
Or, ce matin son remplaçant, monsieur F., me transmet les tergiversations du service prêt sur ce fameux déblocage. Lui, comme toujours et pour honorer sa compétence, n’est pas au courant du dossier. Je grogne un peu, il contacte P. en vacances (mais présent à Laon) qui lui confirme mes dires, et voilà l’affaire réglée... jusqu’au prochain épisode.
Depuis les premiers contacts, cela fait trois mois pour un petit bout de prêt insignifiant. Qui ose prétendre que les banquiers français sont autre chose que des gras-doubles frileux ?


Pour ma part, j’en ai soupé des inconsistances de ces messieurs, de l’insécurité, de la non fiabilité systématique de leurs promesses. Encore une caste qui mériterait quelques écharpages.
Pour ne pas quitter trop vite ce secteur chéri, notons la perspective ridicule de la future, mais toujours improbable, SBP, si le projet de la BNP (fusionnant avec Paribas et la Société générale) parvient à son terme. Ridicule en comparaison avec le mastodonte japonais qui sera également issu d’une fusion à trois, mais pèsera quelques mille deux cents milliards de dollars, soit plus de cinq fois le budget annuel français ! Numéro un de sa catégorie bien sûr !
Les chiffres du drame turc - Allah est grand, surtout pour faire trembler les plaques - s’alourdissent : l’ONU estime qu’autour de quarante mille personnes auront été écrasées.
Voilà mon tour d’horizon rédigé depuis l’ensoleillé parc de la Tête d’Or, poitrail en cours de bronzage.


Dimanche 22 août
Délicieuse entrevue avec Flo au Domaine : tous les sens furent comblés. Après quelques échanges bien appuyés au tennis, la nuit s’est déroulée sous les meilleures effusions. Puis, par une matinée déjà bien entamée, notre astre adoré a réchauffé nos trempettes dans la piscine désertée.
J’ai appris par Sandre, qui tenait le cancan d’un voisin, qu’une réputation de cocufieur courrait sur mon compte au Domaine, depuis la semaine où l’on m’avait vu avec Flo et sa sœur au bord

de l’eau. Quelle réjouissance que d’offusquer les médiocres autochtones. Sandre, très justement, a répondu au gentil voisin (lui-même en situation de rupture) que j’avais tout à fait le droit de sortir avec qui je souhaitais, notre séparation étant décidée depuis plusieurs mois.
Ce qui rend les colporteurs de ces dépréciations dignes d’une série de claques, c’est la motivation de leur jugement. (Amusant : j’écris ces lignes au parc de la Tête d’Or, et voilà qu’un résident du Domaine, très gentil chef de famille par ailleurs, vient de me saluer après avoir fait son footing matinal. Comme quoi ils ne sont pas tous mauvais.) Si j’avais forniqué la Flo au beau milieu de tous ces braves culs-pincés, si même j’avais simplement embrassé la demoiselle au vu de tout un chacun, j’aurais pu admettre qu’on me considère comme un sagouin coquin ; mais rien dans mon comportement, ni celui de Flo, ne pouvait laisser supposer un rapport autre qu’amical. Je n’allais pas avoir l’inélégance par rapport à Sandre de m’afficher charnellement avec une habitante du Domaine. L’affaire repose donc uniquement sur des jalousies calomniatrices.
L’après-midi du samedi, Sandre m’a accompagné pour l’achat de trois bibliothèques que j’ai montées hier soir, comme un grand, et remplies des ouvrages, descendus du château, jusqu'à deux heures du matin. Cet ameublement livresque habille la pièce, mais je pourrais encore me permettre d’en préparer d’autres lors de mon prochain passage à Au, de la place subsistant.
Sandre semble aller un tout petit peu mieux, et nos entrevues affectivo-amicales paraissent lui faire du bien. Notre semaine à Sanary devrait la reconstituer davantage, avant qu’elle ne se fasse opérer le 13 septembre, au lendemain de ses trente ans.
La Turquie compte ses morts par dizaines de milliers et le scandale de l’incompétence crasse des autorités, qu’elles soient centrales ou locales, s’amplifie. Un journal a même écrit, avec la veine pamphlétaire que j’affectionne, que le président constituait le « premier des gravats » à évacuer au plus vite. En France aussi un ménage grands fonds serait de bon aloi.
Les promoteurs immobiliers turcs ont du souci à se faire pour leur sécurité. Certains immeubles, édifiés avec du ciment mélangé à du sable et des coquillages, pour donner une note d’exotisme, sans doute, ou de touche locale, selon les endroits, se sont lamentablement écroulés et simplifient le labeur des sauveteurs : là, aucune chance de survivants !


Mardi 24 août
Canicule à Lyon. La Caisse d’épargne
me broute vraiment les noix, et c’est un comble pour l’emblème de cet établissement. Le sous-fifre F., à qui le responsable de l’agence de V. (P.) a confié le dossier du prêt SCI, m’avoue son embarras face à la réticence du service prêts pour débloquer la p... de somme attendue depuis deux mois. Nouvelle infiabilité de ces glandus.
Vendredi tout semblait réglé, l’oseille devait s’écou­ler dans les heures prochaines, et patatras ! Je grogne, je gueule, je m’indigne et le blet interlocuteur me renvoie vers le responsable du service prêts, de retour ce matin de vacances. Je joins cette nouvelle autorité et lui brosse l’historique de la situation, sans manquer d’accentuer les désagréments occasionnés par leur inconstance. L’homme semble vouloir trouver une solution rapide : un chèque de banque d'une partie de la somme sera porté aujourd’hui au compte de la SCI ; pour le reste, monsieur P. se rapprochera de moi dès son retour. Que de complications enlisantes pour une somme aussi ridicule !
Soit je suis un très mauvais négociateur, soit la frilosité des établissements de crédit et les carences structurelles et hiérarchiques dépassent le concevable.
Fini la recherche de miraculés en Turquie, place au grand nettoyage.
Le premier non-événement de cette fin d’été en politique française ne dément pas l’état d’inanité pitoyable du secteur : Noël Mamère hérisse ses bacchantes, croyant pouvoir effrayer le gouvernement. Son minus ultimatum de quitter la majorité plurielle si certaines mesures ne sont pas prises rapidement sonne creux. Robert Hue en profite pour monter à la tribune de son parti et faire valoir son poids politique et parlementaire incontestable dans la majorité gouvernementale, et d’ajouter qu’il considère les coups d’éclat de Cohn-Bendit and Cie comme de la « gonflette politique ».
Nique Mamère devrait être le cri de ralliement pour botter les fesses de ce piètre microcosme.
Je dois préparer toute une série de choses avant mon départ à Sanary : séminaires pour Galien, argumentaire pour ma prochaine publication (L’enseigne à Lyon de John Grand-Carteret) et ma thèse qui n’avance pas...


Mercredi 25 août
23h. Vendredi soir prochain, Sandre et moi devons rendre visite à un couple ami (Bruno et Christine) et à leur fille-bébé Nolwenn. Le Bruno en question, au service de santé des armées, m’avait prêté trois bouquins que je dois lui rendre demain (en espérant pouvoir les consulter rapidement ce soir, dans l’urgence, alors que je les ai depuis trois mois !) : Les Rats maudits - Histoire des étudiants nationalistes - 1965-1995, œuvre collective, et L’épuration sauvage en deux tomes par Philippe Bourdrel.
Je lâche la plume pour rejoindre ces écrits.


Vendredi 27 août
Parallèle amusant à noter :
Je finis hier l’ouvrage d’Edouard Zarifian, Des paradis plein la tête, au programme des étudiants de pharmacie. Parmi les adresses utiles données en fin d’ouvrage, France-Dépression sise 119, rue Vercingétorix à Paris (75014) : or, cette fameuse rue Vercingétorix m’a accueilli, via mon Purgatoire, en 1994 au summum de ma dépression lors du désastre du GIE Ornicar et de toutes les sociétés membres que je présidais.
Ma cure psychologique s’est passée de toute consultation et de tout rapprochement d’une association, comme ma voisine d’alors dont j’ignorais l’existence, mais a eu recours à l’écriture, comme en témoigne certaines pages de ce Journal.


Samedi 28 août
Arrivée avec Sandre à Sanary-sur-mer dans le studio très généreusement prêté par un couple d’amis. Je suis là incognito, car ni les parents de Sandre, ni le couple ne savent que je l’accompagne.
Très agréable pied-à-terre, avec rez-de-jardin, transats, chaises, tables et tout le confort nécessaire. Voilà une belle manière de finir la période estivale. J’ai malgré tout emporté les ouvrages au programme des pharmacies, car dès le mardi 7 septembre je commence mes séminaires de rentrée.
Quel plaisir de travailler dans ce cadre varois.

Dimanche 29 août
Oublié de noter la découverte faite lors de ma lecture de l’historique des mouvements nationalistes en France. Le groupement Occident accueillait comme membre Alain Madelin (son nez cassé s’explique par quelques bastons sans doute), Patrick Devedjan et Gérard Longuet. L’hypocrisie du parcours les a amené à renier leurs origines pour servir leurs intérêts.
Le projet de fusion à trois dans le monde bancaire français est tombé à l’eau suite à la décision de l’organisme financier qui chapeaute les établissements financiers, dirigé par J-C. Trichet, gouverneur de la Banque de France.
A Marseille, la faconde ne suffit plus pour contenter la truculence méditerranéenne : la grève des éboueurs ajoute la générosité des monceaux d’ordures en décomposition faisant bronzette pour la plus grande joie des narines.
Un premier jour au temps mitigé, mais cela devrait s’arranger.
Le Soir. Petit tour sur la place cet après-midi, puis promenade sur le port entrecoupée d’une dégustation de glaces Häagen-Dasz. Au marché provençal, nous achetons olives noires et fougasses pour le dîner. Très prosaïque, mais que c’est bon !

Lundi 30 août
Marseille poursuit sa démonstration de ville-crasse, et le ventre mou de notre système politico-administratif laisse faire. Jean-Claude Gaudin, le maire avé l’accent, a beau s’égosiller, les militaires ne sont toujours pas entrés en action ce matin. Par bonheur, les effluves malo­dorants ne parviennent pas jusqu'à Sanary.
Chaque parti a clôturé ses Universités d’été : de l’UDF et son bégayant mais joyeux Bayrou, jusqu'à la petite frappe Mégret, le félon aux longs cils, en passant par notre cher Premier ministre qui nous promet, sans l’accent mitterrandien, le retour du plein emploi dans dix ans. Rendez-vous est pris.

Mardi 31 août
La fraîcheur de l’ombre varoise a du bon après une journée de sable ensoleillée. En ajoutant quelques gorgées de rosée de Bandol et une plume acérée : la plénitude n’est pas loin.
La faune des bords de mer, à laquelle je m’associe de temps en temps, présente des archétypes à peu près constants : la bande de beurs ou assimilés, petits, le chien à grande gueule et poils ras, le poste stéréo méga-bass à fond et parfois quelques tasspês pour faire croire qu’ils savent enfiler ;

les quelques débiles mentaux que l’on sort et qui savent et bronzer et patauger dans l’eau ; la mère de famille sans vocation, à la douceur de poissonnière ou, par redondance, de Jackie Sardou (paix à son âme), qui beugle ses ordres débilitants aux marmots arriérés ou, au contraire, très lucides du ridicule de leur marâtre-mégère ; les petites donzelles aux formes à croquer, mais qui s’offusqueraient qu’on puisse les supputer allumeuses ; les bellâtres de tous poils (hé ! je me reconnais là... surtout pour la pilosité !) ; quelques jolis couples tout de même et des bébés à bouilles ravissantes...
Le chômage a encore baissé en juillet : on finirait par croire à l’approche d’un nouvel âge d’or...

Aucun commentaire: